La réforme des collectivités territoriales, en cours de débat, repose la question des compétences des collectivités. La Fill et ses membres s’interrogent sur la place que réservera cette réforme à la Culture et tout particulièrement aux politiques publiques du livre et de la lecture.  Afin de mettre le livre et la lecture au cœur du débat public relatif à l’impact de cette  réforme sur les politiques culturelles et d’appeler le Gouvernement et le Parlement à porter une attention accrue à cette question, ils ont rédigé un Manifeste pour le livre et la lecture. Ils invitent tous ceux qui veulent que soient maintenues la création, la production, la diffusion et la médiation du livre et de la lecture, dans toute leur diversité et sur tous les territoires, à signer, faire circuler et faire signer ce manifeste.

MANIFESTE POUR LE LIVRE ET LA LECTURE

Les signataires du présent Manifeste entendent mettre le livre et la lecture au cœur du débat public relatif à l’impact de la réforme des collectivités territoriales sur les politiques culturelles.

Les lois de décentralisation, quelques transferts exceptés, n’ont pas concerné la culture. Pourtant, force est de constater qu’il y a, pour les financements publics de la culture, un avant et un après 1982. Les élus locaux et territoriaux ont pris fait et cause pour l’offre culturelle sur leur territoire : aujourd’hui l’intervention publique des collectivités en matière culturelle est plus importante que celle de l’État.

Dans ce cadre institutionnel sont nées les politiques du livre et de la lecture publique des collectivités territoriales en concertation avec l’État. Bibliothèques et librairies indépendantes par milliers, manifestations littéraires maillant le territoire, auteurs en résidence, patrimoine préservé et valorisé, maisons d’édition : le livre et la lecture représentent plusieurs dizaines de milliers d’emplois directs et induits et forment la première industrie culturelle française, avec 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. Espace de formation du citoyen, le livre interroge le rapport de l’homme au monde. Objet de culture et de commerce, création de l’esprit et produit industriel, il demande une approche économique,
culturelle et citoyenne.

Dès lors, une politique du livre tient de l’action économique comme du soutien à la création, de l’éducation, du civisme. La
question de l’accès à la lecture et celle de la lecture publique, sont primordiales : la médiathèque n’est pas seulement un outil de prestige, elle est avant tout le cœur pensant de la cité. Le maillage culturel du territoire est un outil majeur de lutte contre les fractures territoriales, la désertification des zones rurales et la création de ghettos urbains.
L’ouverture d’une librairie à Gagny, à Sancerre ou dans l’hypercentre de Marseille, ne répond pas seulement à une logique marchande : c’est un acte politique. Le livre repose sur une économie fragile. Le commerce de librairie,
l’édition indépendante, nécessaires à la diversité, sont menacés. Devant les mutations, notamment numériques, qui s’annoncent, les professionnels du livre ont besoin d’être accompagnés et aidés par les pouvoirs publics au plus près
des réalités territoriales.

Trente ans après les premières décentralisations, l’existence des politiques du livre et de la lecture publique de l’ensemble des collectivités est remise en question. Annoncer qu’on ne touchera pas au maintien de la compétence générale en matière culturelle sans donner les moyens de l’exercer, c’est porter un coup fatal à l’action culturelle sans en assumer
la responsabilité. En effet : si les financements de l’action culturelle des collectivités ne sont pas garantis, si celles-ci sont contraintes de se cantonner à leurs compétences légales, le résultat sera le même : les politiques du livre se déliteront.

Les structures régionales pour le livre jouent un rôle clé. En leur sein, l’État, les Régions et les professionnels du livre ont agi en bonne intelligence, pour le développement d’une politique publique du livre qui englobe lecture publique, soutien économique, éducation artistique et culturelle et valorisation du patrimoine.

Reconnues, réunies au sein de la Fédération interrégionale du livre et de la lecture (Fill) qui leur permet de conduire des actions conjointes, de mutualiser des réflexions, de rompre l’isolement de certains territoires et d’être un interlocuteur du ministère de la Culture et des organismes professionnels, les structures régionales pour le livre accompagnent l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre et l’action publique culturelle.

À leur initiative, l’ensemble des signataires demandent aujourd’hui au Gouvernement et au Parlement :

1. de renforcer la place du livre et de la lecture dans les politiques culturelles ;

2. d’affirmer, dans la loi, le rôle des collectivités territoriales en matière culturelle, et en particulier dans le domaine du livre et de la lecture, à chacun des échelons territoriaux ;

3. d’assurer aux collectivités territoriales les moyens de maintenir des financements publics en matière culturelle, y compris par la mise en œuvre de dotations spécifiques ;

4. de garantir l’engagement de l’État dans les projets culturels des territoires via les subventions gérées par les directions régionales des affaires culturelles (Drac) et de s’engager à maintenir les crédits centraux des ministères qu’il consacre à la culture dans les territoires ;

5. de reconnaître le rôle très spécifique des structures régionales pour le livre (SRL) dans le dialogue nécessaire entre territoires, professionnels et institutions, en créant un label national des SRL, comme il existe déjà les labels «  Scène nationale » ou « Scène de musique actuelle », dont les membres seront réunis dans le réseau national de la Fill.

Pour maintenir la création, la production, la diffusion et la médiation du livre et de la lecture, dans toute leur diversité et sur tous les territoires.