Les bonnes pratiques autour du mécénat

Et si nous vous disions que le mécène n’est pas un chéquier, de la même façon que le porteur de projet n’est pas un illuminé, que nous répondriez-vous ?

Le mécénat, un état d’esprit

Parfois mal interprété, souvent galvaudé, le mécénat reste synonyme d’engagement, de soutien et exige tout autant de respect et de responsabilité.

Les préjugés veulent que le mécénat soit un luxe, une mode, un caprice de président ou bien pire : une publicité déguisée. Et pourtant. Caius Maecenas, plus connu sous le nom de Mécène – proche conseiller de l’Empereur Auguste et grand financeur des Arts & des Lettres de la Rome antique – a distillé la philosophie du mécénat : une rencontre, créatrice de richesses, autour de valeurs partagées entraînant des retombées bénéfiques pour chacun.

Au fil des siècles, le mécénat a évolué, passant des monarques attachés à la splendeur de leurs palais et au rayonnement de leur pays, à un mécénat privé via les grandes familles d’industriels du 19e siècle, sans oublier le mécénat d’entreprise sous l’impulsion d’Admical dans les années 80.

La loi Aillagon du 1er août 2003 – sous l’initiative du ministre de la Culture éponyme de l’époque – va simplifier et améliorer le régime du mécénat français au point d’en faire une référence en la matière, en rendant les avantages fiscaux particulièrement attractifs.

Les chiffres clés du mécénat en France

« Le baromètre du mécénat d’entreprise en France, publié tous les deux ans par Admical, annonce pour la première fois depuis 6 ans une montée significative des chiffres du mécénat. » Pour l’année 2015, le mécénat en France représente selon le Baromètre 2016 de l’Admical :

  • 3,5 milliards d’euros des entreprises (+ 25 % par rapport à 2013).
  • Environ 170 000 entreprises mécènes (soit 14 % des entreprises françaises).
  • 97 % des entreprises mécènes sont des TPE / PME ; 3 % des Grands Groupes.
  • 40 % du budget mécénat des entreprises françaises provient des TPE et PME, 60 % des Grands Groupes.
  • Toujours privilégié, le mécénat de proximité (au niveau local ou régional) est en progression constante (81 % des entreprises engagées en 2015, contre 73 % en 2013).
  • 1/3 des entreprises choisissent de faire du mécénat en nature.
  • Si le mécénat financier reste le plus répandu (80 % du budget), la part du mécénat de compétences dans le budget global augmente (12 %).
  • Le mécénat collectif reste l’apanage des grandes entreprises.
  • Les domaines les plus choisis sont le sport, le social et la culture.
  • Les domaines les plus soutenus financièrement sont le social (22 % du budget total du mécénat), la culture (15 %) et l’éducation (14 %).
  • La culture, dont le budget augmente légèrement (environ 500 millions d’euros), est choisie par 24 % des entreprises.
  • Les motivations des entreprises mécènes sont, dans l’ordre d’importance :
  1. Contribuer à l’intérêt général
  2. Exprimer, incarner les valeurs de l’entreprise
  3. Construire des relations avec les acteurs du territoire
  4. Valoriser l’image et la réputation de l’entreprise
  5. Développer de nouvelles relations avec ses partenaires

Ces chiffres viennent donc corroborer le fait que :

  • Contrairement aux idées reçues, le mécénat n’est pas réservé aux Grands Groupes et la motivation première, pour plus de la moitié des entreprises, est bien de “contribuer à l’intérêt général”.
  • Une entreprise peut intervenir autrement qu’à travers un don financier : mécénat en nature, mécénat de compétences.
  • Les entreprises mécènes soutiennent majoritairement des projets à envergure locale ou régionale en fonction de leur ancrage géographique.
  • Le “mécénat croisé” plaît de plus en plus : social et culture, sport et éducation, santé et environnement…
  • Dans une société plus émotionnelle que compassionnelle, le mécénat est indéniablement un levier d’action d’une politique de RSE ou Responsabilité Sociétale des Entreprises (voir lexique).

Les entreprises mécènes : une bonne action… doublée d’une bonne affaire

Toute entreprise – peu importe son statut juridique, sa taille ou son secteur d’activité – peut être mécène ou sponsor (voir lexique) et intervenir de façon ponctuelle ou pérenne par la création d’une structure dédiée – type fondation ou fonds de dotation – seule ou à plusieurs.

L’intérêt de mener une politique de mécénat, qui s’inscrit dans la stratégie de l’entreprise est multiple, puisqu’elle permet de :

  • Nourrir votre culture d’entreprise : fédérer les salariés et collaborateurs autour d’un projet commun et de valeurs partagées.
  • Innover dans votre communication externe : valoriser l’image de votre entreprise : responsable et citoyenne ; se différencier de la concurrence en profitant de retombées commerciales indirectes ; développer un relationnel avec clients et partenaires.
  • Alléger la fiscalité : la déduction fiscale s’effectue directement sur le montant calculé de l’impôt.
  • Répondre à des obligations type RSE.
  • Faire face aux interpellations de l’opinion publique : la crise a fait se reposer la question du sens. Développer une politique de mécénat permet de réinjecter de la confiance et de l’implication dans une relation sociale et sociétale.

Les porteurs de projets : le mécénat, un champ des possibles… à condition de savoir s’y prendre

Développer des partenariats avec le monde de l’entreprise nécessite une véritable mise en place d’une stratégie : un dossier mécénat ne ressemble, ni de près ni de loin, à un dossier de demande de subventions. D’ailleurs, il n’est pas question de demande, de sollicitation ou de mendicité. Non, il s’agit de l’élaboration d’un partenariat, sans ingérence, où chaque partie est gagnante.

Deux points préalables à vérifier :

  1. S’assurer de l’éligibilité de votre structure au mécénat : elle doit respecter les critères d’intérêt général et entrer dans le champ d’application de la loi Aillagon du 1er août 2003.
  2. Veiller à la volonté collective de s’ouvrir aux fonds privés : il est nécessaire que l’ensemble de la gouvernance de votre structure soutienne cette démarche.

Puis place à la réflexion.

Il est important de savoir qui vous êtes. Quelles valeurs portez-vous ? Sur quel(s) projet(s) souhaitez-vous établir un partenariat ? Quelles contreparties pourriez-vous envisager ? Ne tenez pas un discours uniquement commercial : vous avez tout intérêt à favoriser le sens et les valeurs partagées.

Vient ensuite la rédaction.

Pour votre document de présentation, résonnez comme une entreprise : simple et efficace. N’oubliez pas, tout le monde court après le temps et une journée ne fait que 24 heures : un chef d’entreprise, un directeur administratif et financier ou encore un directeur de la communication – pour ne citer qu’eux – n’ont pas le temps. Soyez force de proposition pour pouvoir entrer en relation : il est important que l’entreprise puisse comprendre vos préoccupations et vos impératifs, et que vous ayez conscience des enjeux et des contraintes de l’entreprise.

Pour ce qui est de la prospection, grâce au travail fait en amont, vous êtes en capacité de cibler avec précision les entreprises susceptibles d’accepter votre partenariat. Nous avons toujours plus de réseau que ce que nous croyons. Parlez de votre projet autour de vous : l’ami d’un ami peut vous mettre en relation avec un partenaire potentiel, ajoutant ainsi encore plus de poids et de crédibilité à votre proposition. En rendez-vous, sachez vous mettre au diapason de votre interlocuteur afin d’adapter votre discours… pour augmenter vos chances de faire mouche !

Les nouveaux outils de levée de fonds : des plus classiques aux plus innovants

 La soirée de gala, avec ou sans vente aux enchères, est certainement la méthode la plus connue. Mais il existe d’autres possibilités :

  • La campagne de dons : via votre site internet, des spots télévisés, des affiches dans les lieux publics ou les transports en commun. Néanmoins cette méthode fonctionne majoritairement pour les grosses structures comme Actions contre la faim, Médecins Sans Frontières, etc.
  • Le produit partage : l’entreprise mécène reverse une partie du montant de la vente d’un de ses produits à une structure soutenant un projet d’intérêt général ; comme Pampers qui, pour un paquet de couches acheté, reverse une partie à l’Unicef pour financer des vaccins.
  • Le challenge sportif : de plus en plus apprécié et démocratisé, cela consiste par exemple à participer à une course à pieds au profit d’une cause définie, comme la “Course des Héros”.
  • Le crowdfunding ou financement participatif : la simplicité de son fonctionnement – via une plateforme sur internet – permet à tout individu de participer au financement du projet de son choix.

En un mot, le fondement et l’avenir du mécénat sont bien la liberté. Liberté pour celui qui reçoit, d’accepter ou non un don si son éthique est en jeu. Liberté pour le donateur, qui n’est pas sous le joug d’une contribution obligatoire mais bien d’un don librement choisi.

Marie-Charlotte SWATON, chargée d’enseignement à Aix-Marseille Université et à l’EMD école de commerce & Management.

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