Éditions les Éclairs & Imprimerie d’En Face (Marseille)
« Une campagne de crowdfunding est aujourd’hui une caution nécessaire à qui veut créer quoi que ce soit. »
« Nous avons lancé le projet de la maison d’édition Les Éclairs et de l’imprimerie Imprimerie d’en Face à l’été 2015 avec quatre projets de livres illustrés prêts à être imprimés et distribués.
Mais rapidement, deux problèmes nous empêchaient d’avancer : le premier est artistique, nous n’avons aucune formation en édition ni en imprimerie, nous sommes simplement passionnés de livres et de beaux ouvrages. Si bien que le soutien de ces quatre auteurs, de quelques libraires et de notre entourage était certes extrêmement motivants mais nous semblait limité.
Lancer une campagne de crowdfunding permet cette confrontation au monde dont nous avions besoin : est-ce que mon projet vaut vraiment le coup ? Avec quelques 600 livres vendus en deux mois et un très grand nombre de retour par mail ou par les réseaux sociaux, nous savions que nous étions en train d’aller dans la bonne direction.
Le crowdfunding est une rencontre enrichissante avec le public cible, une rencontre qui n’arrivera plus que très rarement dans notre travail, le principal des ventes se faisant par le biais d’un intermédiaire.
Le second problème est d’ordre financier. Aucune banque ne veut prêter d’argent, même une petite somme, à un projet dans les métiers du livre à deux jeunes hommes, certes motivés et au projet bien ficelé, sans un apport personnel déjà important. Le crowdfunding nous a permis de récolter plus de la moitié de la somme dont nous avions besoin. Avec cet apport, nous avons pu montrer et prouver que notre projet fonctionnait.
Le crowdfunding est une nécessité pour les petites structures pour qu’elles puisent se lancer. Une campagne de crowdfunding est aujourd’hui une caution nécessaire à qui veut créer quoi que ce soit. Nous l’avions choisi dans un premier temps mais en réalité, nous n’avions pas véritablement le choix.
Mais la chance d’un crowdfunding réussi est justement là : nous sommes devenus indépendants financièrement très rapidement et nous sommes confortés dans la pertinence de notre projet. Les deux mois de campagne nous ont permis de toucher un large public, de nous faire connaître, aussi bien auprès de libraires, que d’auteurs, d’illustrateurs, photographes. Un mois après la fin de la campagne de financement nous étions propriétaires de nos machines, nous postions plus de 600 livres et 300 affiches que nos lecteurs ont pu recevoir pour Noël.
Pour la campagne, nous avions décidé de faire confiance à la plateforme ProvenceBooster. Lancer notre structure avec un site internet qui se lance nous semblait être un choix correct et motivant. Malheureusement, le site, en plus d’être mal référencé, n’a pu tenir toutes ses promesses. Très peu de public, aucun événement organisé, une ergonomie et un fonctionnement qui peine souvent. Nous avons fait notre campagne seuls, sans l’aide d’un site qui rassemble du monde et qui soutient véritablement ses projets. La collaboration se terminera même par un désaccord d’ordre financier, les propositions du site n’ayant même pas été clair ni honnête.
Deux ans plus tard, nous avons publié dix livres, nous en avons quatre en préparation, de nouvelles collections, de nouveaux formats, de nouvelles envies. Et l’idée du crowdfunding nous reste en tête tant elle nous a apporté. Il se pourrait même que nous en relancions une bientôt ! »
Robin Fabre, éditions les Éclairs, août 2018.
La revue Casier[s] : Brest en bulle
« Brest est une ville à part », affirment en chœur les bédéistes créateurs de la revue Casier(s). Malo Durand, président de l’association Brest en Bulle, collectif de bédéistes brestois à l’origine de la création du salon Rencontres brestoises de la BD, revient sur la naissance de la revue Casier[s], qui raconte la cité du Ponant. Si la publication annuelle a pu se lancer en 2014 et se développer, c’est grâce notamment au financement participatif, via la plate-forme Ulule :
« Lancée en avril 2016, pour un an et demi, l’opération a rapporté 9 500 €, alors que l’objectif n’était que de 4 000 €. Ça nous a confortés dans nos convictions, bien sûr, et ça nous a permis de financer entièrement l’impression de ce premier numéro » déclarait-il à Gérard Alle dans la revue Pages de Bretagne de janvier 2017 (n°42, Livre et lecture en Bretagne).
L’objectif initial de 4 000 € ayant été atteint en 9 jours, les auteurs de la revue ont prolongé leur appel aux dons, afin de financer davantage de coûts d’impression. Les 8 offres de contreparties proposées aux contributeurs étaient définies par palier, en fonction de la somme versée : mention du nom du contributeur dans le n°1 de la revue, envoi personnalisé du n°1 au format numérique, au format papier, accompagné d’un ex-libris inédit, numéroté et signé, … La dernière catégorie de donateurs (contributions supérieures à 500 €) était réservée au mécénat d’entreprise, avec l’intégration du logo de l’entreprise sur la revue et son site internet.
Sorti le 22 septembre 2016, le premier numéro de la revue Casier[s] compte 160 pages. Il est diffusé directement par ses protagonistes, en préachat ou en dépôt dans les librairies brestoises et dans quelques endroits en Bretagne.
Au cours de l’été 2017, le collectif décide de prendre son autonomie en créant Casiers, maison d’édition associative, en vue de poursuivre l’expérience de la revue, conjuguant proximité et circuits courts, mais aussi d’expérimenter d’autres types de publications et des modèles alternatifs de diffusion.
Maïlys Affilé, Livre et lecture en Bretagne, juillet 2018
Les moutons électriques, maison d’édition à Bordeaux
André-François Ruaud, éditeur, écrivain
« Nous avons lancé trois campagnes de crowdfunding et avons participé à deux autres menées par des structures homologues. Il s’agissait à chaque fois, pour nos campagnes, de beaux-livres dont les coûts de production étaient trop élevés, impossibles à rentabiliser. Si nous voulions que ces livres vivent en librairie, il fallait nécessairement que nous ayons recours à un mode de financement participatif. C’est un boulot énorme, cela prend beaucoup de temps. On le refait par nécessité, sinon il n’y aurait pas de livre. Depuis la première opération, en 2014, nous avons ainsi lancé deux autres campagnes, en 2016 et en 2017, toutes ayant été concluantes. »
Propos recueillis par Nicolas Rinaldi, Alca Nouvelle-Aquitaine, juin 2018
Crédit photo : Harmonia Amanda