Le Deps (ministère de la Culture) se penche sur l’évolution de la diversité de la consommation sur le marché du livre entre 2007 et 2016 à partir des données de marché collectées par GfK qui recense l’ensemble des achats des consommateurs à partir d’un échantillon représentatif des points de vente.
Comment les consommations culturelles évoluent-elles sous l’angle de la diversité à l’ère de l’abondance de l’offre ? Valident-elles notamment l’hypothèse de la longue traîne formulée par Chris Anderson au début des années 2000 selon laquelle les marchés de niche sont appelés à se développer et à réduire le niveau global de concentration des ventes ?
Si la révolution numérique n’a que partiellement bousculé la structure traditionnelle du marché du livre et l’équilibre entre ventes physiques et numériques, contrairement à d’autres secteurs culturels par exemple celui de la musique enregistrée*, les consommations en ligne de contenus dématérialisés, mais aussi de biens physiques, ont considérablement progressé au cours de la dernière décennie, et la proportion d’acheteurs en ligne dans la population française est passée de 33 % à 60 % entre 2007 et 2016.
L’étude souligne les points suivants :
- une progression régulière de la variété consommée, « à des degrés divers pour la totalité des secteurs et apparaît comme une tendance lourde du marché qui fait écho à celle enregistrée en termes de production de livres, au dépôt légal comme dans l’enquête de branche réalisée par le Syndicat national de l’édition ». Elle se vérifie en particulier dans les domaines éditoriaux « qui ont connu une croissance des ventes et est à l’inverse plus faible dans les secteurs les plus touchés par la concurrence des contenus dématérialisés. Ainsi, c’est dans les secteurs de la bande dessinée (+90 %), des livres pour la jeunesse (+70 %) et des livres pratiques (+52 %) que la variété a le plus progressé ».
- un nombre croissant d’ouvrages vendus à très peu d’exemplaires : « les livres dont les ventes sont inférieures à 100 exemplaires totalisent plus de 90 % du nombre de références vendues au cours de la décennie, et ceux dont les ventes ne dépassent pas 10 exemplaires en forment plus des deux tiers (68 %).[…] On observe en revanche un déclin de la partie intermédiaire du marché : les ouvrages dont les ventes se situent entre 10 000 et 99 999 exemplaires ont reculé de 15 % en dix ans. » Ce phénomène s’accompagne d’une augmentation de +50% du nombre d’éditeurs sur la période (développement de l’auto-édition, grâce à l’émergence de services en ligne ; développement de la micro-édition et de l’édition indépendante).
- une surproduction devenue une tendance de long terme renforcée par les innovations technologiques dont on bénéficié l’impression, la distribution, la gestion des stocks et les logiques de marketing. Les grandes maisons d’édition ont ainsi produit davantage de titres, favorisant une rotation plus rapide des ouvrages et ainsi une plus grande variété des achats.
- une variété des titres consommés favorisée par l’essor de la vente en ligne (passée de 9% en 2006 à 19% de part de marché en 2016). Les auteurs de l’étude soulignent que « si l’impact du numérique sur la variété consommée de livres est incontestable, son incidence sur le volume global des ventes reste limité puisqu’il favorise des livres qui génèrent peu d’achats. Les livres dont les ventes sont inférieures à 100 exemplaires ne représentent en effet que 3 % du volume total des ventes. Les ouvrages dont les ventes sont inférieures à 1 000 exemplaires, en revanche, ont progressé de 14 % à 18 % du volume total des ventes, signe de l’épaississement de la traîne. »
- un équilibre stable entre les différents segments de marché avec un renforcement de trois domaines : littérature générale, bande dessinée et jeunesse et un phénomène de « bestsellerisation » accru en littérature générale.
En conclusion, si la variété des livres achetés a connu dans la dernière décennie une forte augmentation, « l’allongement de la distribution des ventes s’est faite au détriment des livres du milieu de la distribution, sans réduire le poids des best-sellers, et l’extension du domaine de la micro-édition n’a pas entamé la prédominance des grands groupes ni enrayé la concentration à l’œuvre depuis plusieurs décennies. De ce point de vue, il semble même que la structure d’oligopole à frange caractéristique des industries culturelles se soit renforcée à l’ère numérique. »
>> Évolution de la diversité consommée sur le marché du livre (2007-2016), Coll. Culture Etudes, Deps, Ministère de la Culture, 2018 : étude [pdf, 2,03 Mo] et synthèse [pdf, 408 Ko]
* Voir également : Évolution de la diversité consommée sur le marché de la musique enregistrée, 2007-2016, Coll. Culture Études, Deps, Ministère de la Culture, 2018