Grande cause nationale, conventions territoriales, nouvelles modalités d’intervention du CNL… Pour la Fill, Régine Hatchondo, présidente du Centre national du livre, fait le point sur les chantiers qui y sont engagés.

Plusieurs dispositifs ont été mis au point dans le cadre de la lecture Grande cause nationale, pour démultiplier les points d’accès au livre et à la lecture. Pouvez-vous revenir sur les constats qui vous ont convaincue de la nécessité pour le Centre national du livre d’intervenir ?

Régine Hatchondo : Les Français ont montré leur attachement aux livres lors de la crise sanitaire, et les excellents chiffres des ventes confirment cet engouement. Pour autant, toutes les enquêtes sur les pratiques de lecture réalisées en France ou à l’échelle mondiale révèlent une tendance structurelle à la baisse du nombre de lecteurs, notamment chez les plus jeunes et les populations les plus éloignées du livre, au profit des écrans. On ne peut se résoudre à ces écarts entre, d’un côté, les gros lecteurs, et de l’autre, ceux qui ne lisent plus du tout. C’est pourquoi il nous a semblé indispensable de mettre en œuvre un programme d’actions très volontaristes pour redonner le goût de la lecture à tous, en accompagnant toute la filière du livre, aussi bien que les associations et les communes pour conduire de nouveaux projets ou en consolider d’autres.

Pouvez-vous présenter les différents dispositifs et les modalités pratiques afin d’en bénéficier ?

R. H. : Les auteurs bénéficient cette année d’un assouplissement du dispositif de bourses résidences et d’un budget doublé pour se consacrer à leur travail de création dans de bonnes conditions et démultiplier les rencontres avec les publics. Ils peuvent postuler directement sur le site du CNL. Nous avons également lancé un appel à résidences à l’école et qui a eu beaucoup de succès : plus de 200 auteurs ont déposé leur dossier ! Les auteurs qui veulent aller à la rencontre des élèves peuvent toujours candidater aux masterclass que nous organisons avec le pass Culture. Il s’agit de rencontres de 1h30 à 2h pour parler de son ouvrage ou de son métier d’auteur.

Les bibliothèques – et notamment les bibliothèques départementales – peuvent bénéficier du second volet du plan de relance doté de 2,5 M d’euros que nous avons fléché, dans le cadre de la Grande cause, sur les territoires ruraux. Enfin, les bibliothèques aussi bien que les associations, si elles le souhaitent en lien avec les auteurs, peuvent candidater à notre aide « publics spécifiques » pour acquérir des ouvrages et mener des actions de médiation dans les hôpitaux, les EHPAD, les prisons, etc.

Comment l’interprofession du livre est-elle mobilisée sur ces projets ?

R. H. : Nous avons associé les associations professionnelles du livre dès le début de l’écriture de notre plan d’action, et notamment les associations d’auteurs, qui se sont beaucoup impliquées dans la réforme de nos bourses de résidences et dans la création de notre offre de masterclass avec le pass Culture. Leurs retours et conseils ont été précieux. De manière générale, s’agissant de la Grande cause, la mobilisation de l’interprofession est indispensable. Ce sont les auteurs, les éditeurs, les librairies, les bibliothèques et les associations qui sont les premiers promoteurs du livre et de la lecture auprès des Français. Le rôle du CNL est de les accompagner pour aller plus facilement au-devant d’eux, par ses soutiens financiers ou son ingénierie.

Jusqu’alors et en dehors de la grande manifestation Partir en livres, le cœur de l’action du CNL consistait dans le versement d’aides aux professionnels du livre. Ces dispositifs marquent-ils un tournant dans les modalités d’intervention du CNL ?

R. H. : Effectivement, je souhaite que notre engagement en faveur de la lecture devienne une priorité pour le CNL. Depuis sa création, les missions du CNL n’ont cessé de s’élargir, pour mieux répondre aux enjeux de la filière : auteurs, éditeurs, puis au fil des ans librairies, bibliothèques, manifestations littéraires.
En 2020 et 2021, cet engagement en faveur des professionnels du livre a été réaffirmé face à la crise sanitaire avec le déploiement par le CNL, la maison commune de ceux qui font le livre, d’un plan d’urgence et d’un plan de relance inédit à hauteur de 45 M d’euros.

Désormais, et à la faveur de la Grande cause, nous voulons que la promotion de la lecture soit au cœur de la raison d’être du CNL. Que l’accompagnement de la filière, de l’auteur au lecteur, en passant par l’éditeur, le libraire, le bibliothécaire, soit complet, parce qu’on ne peut pas accompagner un secteur économique, quel qu’il soit, sans s’intéresser à celles et ceux à qui il s’adresse.

Une nouvelle génération de conventions territoriales pour soutenir la librairie, associant les DRAC, les Régions et le CNL est en préparation. Pouvez-vous nous indiquer quels en seront les grands principes ?

R. H. : Notre premier objectif est d’assurer une plus grande couverture nationale de nos conventions territoriales. Actuellement, seules huit régions sont couvertes, ce qui est préjudiciable au principe d’équité nationale assumé par l’État. D’autre part, nous souhaitons clarifier nos soutiens aux librairies dans le cadre de ces conventions, en complémentarité avec nos aides nationales, en priorisant notre accompagnement sur le maillage territorial, notamment dans les communes de moins de 100 000 habitants. Le livre doit être accessible partout, et nous devons veiller à maintenir et à favoriser le lien direct avec le libraire, même si la vente à distance est une vraie avancée dans un contexte, avec le vote récent de la loi de Laure Darcos, plus équitable pour les libraires. Enfin, pour les Régions et les Drac qui le souhaitent, nous pourrons venir en soutien de dispositifs favorisant la présence des auteurs dans les territoires.

 

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