Un espace “Égalité de genre” en médiathèque

En 2012, la Ville de Strasbourg a décidé de créer l’espace « Égalité de genre » au sein de la médiathèque Olympe-de-Gouges pour favoriser l’accès à des ressources sur les questions de genre. Entretien avec Sabine Schwinte et Estella Peverelli, qui en sont les coordinatrices.

 

Pour commencer, que peut-on trouver au sein de cet espace Égalité de genre ?

Sabine Schwinte : L’espace Égalité de genre propose des ressources qui concernent l’égalité entre les hommes et les femmes mais aussi les questions LGBTQI+, même si c’est un peu moins développé. Sur ces dernières, l’association strasbourgeoise La Station dispose d’une bibliothèque au sein de son centre LGBTQI+.

Parce que nous sommes une bibliothèque municipale qui s’adresse à des publics variés, il nous semble important de proposer aussi des documents qui ne soient pas trop pointus, pour que chacun et chacune s’y retrouve.

L’espace Égalité de genre est repérable par un grand kakémono et une affiche marqués du slogan : « Plus juste, plus égalitaire ». L’espace comprend 900 ressources documentaires (livres et DVD), identifiés par une étiquette reprenant ce slogan. Les usagers peuvent aussi la retrouver sur plus de 1 300 documents dans le fonds généraliste, y compris sur des ouvrages de fiction. Il s’agit principalement de romans féministes ou qui abordent des problématiques liées au genre, comme les utopies féministe d’Ursula Le Guin. Une charte d’acquisition spécifique a été établie pour guider cet étiquetage. En section jeunesse, nous apposons l’étiquette sur des albums comme ceux des éditions Talents Hauts qui ne traitent pas frontalement de ces questions, mais donnent à voir des représentations qui remettent en cause les stéréotypes de genre.

Nous disposons aussi d’un magasin qui compte environ 1 000 documents, empruntables à la demande.

Pouvez-vous revenir sur la genèse de cet espace ?

S.S. : Cet espace s’inscrit dans une démarche de la Ville de Strasbourg, qui s’est engagée à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les politiques publiques. À ce titre, la Ville a signé en 2010 la Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale. L’un des axes de cet engagement est l’information et la sensibilisation des publics et des professionnels, pour lutter contre les stéréotypes de genre et permettre une modification des comportements. C’est ce qui a motivé la création d’un espace ressources sur l’égalité de genre, pour toutes et tous. Mine Günbay, élue chargée des droits des femmes et de l’égalité de genre à l’époque, a permis la concrétisation de cette idée. Notre médiathèque a été choisie en mars 2012 et a pris à cette occasion le nom d’Olympe de Gouge. Le portrait de celle-ci et la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne sont d’ailleurs affichés dans la médiathèque.

Comment l’équipe de votre médiathèque a-t-elle accueilli ce projet ?

Estella Peverelli : Au sein du secteur jeunesse, nous avions commencé à mettre en place des animations qui tenaient compte de l’égalité filles-garçons dès 2009. Pour cela, nous nous étions appuyés sur l’expertise de personnes travaillant dans diverses associations, comme le Planning familial. Cet aspect collaboratif, participatif, me semble vraiment très important. Dans le cadre de ma formation, j’avais par ailleurs eu l’opportunité de réaliser un stage à la médiathèque Marguerite-Durand à Paris et un autre au Centre Louise-Labé à Lyon, par intérêt pour ces questions. La médiathèque a été choisie pour accueillir cet espace Égalité de genre parce qu’il y avait déjà une sensibilité dans notre équipe.

S.S. : Nous avons également mis en place une demi-journée de sensibilisation pour l’ensemble de l’équipe et cinq jours de formation pour les agents qui souhaitaient s’impliquer davantage dans ce projet, en partenariat avec le Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF).

Comment le valorisez-vous ?

S.S. : Il est important de faire vivre nos collections par des animations, des conférences, des expositions… Par exemple, pour le centenaire de la guerre de 14-18, nous avons proposé une exposition intitulée « 14-18, elles étaient en guerre », en partenariat avec le musée de la Grande Guerre du pays de Meaux. Nous organisons des animations autour de chaque exposition. La prochaine sera consacrée à Alice Guy, une réalisatrice pionnière, et conçue à partir des planches de la bande dessinée signée par Catel et José-Louis Bocquet, à paraître en septembre 2021. L’association Osez le féminisme 67 anime chaque trimestre un club de lecture et de débat au sein de la médiathèque. Nous organisons aussi des conférences, en lien avec la mission Droits des femmes et égalité de genre de la Ville.

Nous communiquons via les réseaux sociaux de la médiathèque et de la mission Droits des femmes et égalité de genre. Un collègue propose aussi une revue de presse sur Facebook, la revue d’Olympe. La mission Droits des femmes et égalité de genre envoie chaque mois une newsletter dans laquelle figurent nos actualités.

Concernant le public jeunesse, pouvez-vous nous en dire plus sur les animations mises en place ?

E.P. : Au départ, nous amenions les enfants à identifier les stéréotypes de genre, les situations problématiques de ce point de vue. Aujourd’hui, nous leur proposons de trouver des solutions, pour faire en sorte que l’espace de la cour de récréation soit moins accaparé par les garçons et leurs jeux de ballon, à l’exclusion des filles, par exemple. Parfois les enseignants et enseignantes ont identifié des problématiques spécifiques à leur classe sur lesquelles travailler. Chaque atelier dure environ une heure et demie. Nous essayons à chaque fois de mettre en avant des collections, des documents donnant des outils aux enfants comme aux adultes encadrants. La proposition éditoriale est vraiment riche, il y a de quoi faire ! Nous organisons aussi des rendez-vous du type « Heure du conte » sur ces thématiques, en conjuguant nos efforts avec l’ensemble du réseau des médiathèques de la ville. Nous sensibilisons nos collègues, tout comme des jeunes professionnels de la petite enfance, qui travaillent en crèche ou dans des établissements socio-culturels.

Avez-vous des retours sur ces actions ?

E.P. : La mesure d’impact est vraiment ce qui nous manque. Nous avons des retours des enfants et des enseignants et enseignantes, mais il faudrait que nous arrivions à les formaliser, en diffusant un questionnaire par exemple…

Et de la part des parents ?

E.P. : Au tout début, nous nous inquiétions des réactions des parents, nous demandant s’il fallait les prévenir… Mais il n’y a pas lieu de le faire, puisqu’il ne s’agit que de soutenir des valeurs positives ! Nous n’avons eu que des retours positifs du côté des parents qui accompagnent les classes aux ateliers. Lorsque l’espace Égalité de genre a été implanté, certains usagers craignaient que cela manque de pluralité, que ce soit trop militant, mais finalement cette crainte a été rapidement levée. La réception de l’opération dépend toujours du contexte local bien sûr, mais c’est important de dire que ça peut très bien se passer !

RESSOURCES

>> L’espace « Égalité de genre » [externe], fiche pratique, Bpi pour les professionnels, 2021

>> Charte européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale [PDF, 346 ko], Conseil des communes et Régions d’Europe, 2006

>> Blog de la Légothèque (ABF) : « Retour sur la bibliothèque vivante Questions de genre » [externe], 2015

>> « La question de l’égalité femmes-hommes en médiathèque » [externe], Bulletin des bibliothèques de France, compte rendu de la journée d’étude organisée par le groupe ABF-Alsace au sein de la médiathèque Olympe-de-Gouges le 5 décembre 2016